La Convention de Vienne et les tribunaux français

Les échanges commerciaux internationaux ne sont pas récents. On en retrouve
des traces dans des civilisations très anciennes en Mésopotamie. On peut citer pour
exemple les tablettes de Warca vers -2000 ou le code d’Hammourabi en 1700 avant
notre ère.

Le monde est divisé en familles juridiques, les plus connues étant la Common
Law fondée sur la jurisprudence ou ‘’précédent’’ et la tradition romano-germanique
fondée sur les textes juridiques. Ces différences peuvent entraîner des conflits de
juridiction, de choix de législation mais aussi de méthode de règlement des litiges.
C’est dans une optique de compromis entre les traditions juridiques que les
Nations Unies ont institué un Traité nommé la Convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises (CVIM), signée à Vienne le 11 avril 1980 et entrée en
vigueur le 1er janvier 1988. A ce jour, 94 Etats sont parties à la Convention.
L’objectif de ce Traité est de créer une sécurité juridique ainsi qu’une uniformité
législative tout en évitant aux parties d’avoir recours au droit international privé dont
les règles sont parfois complexes. Ainsi, la CVIM se voulait un texte empreint de
modernité offrant une grande efficacité et une neutralité vis-à-vis des différentes
familles juridiques. Cette Convention s’applique aussi bien pour la formation du contrat
de vente que pour les droits et obligations qu’un tel contrat fait naître entre le vendeur
et l’acheteur. Ainsi, la Convention s’applique pour toutes les ventes internationales de
marchandises sauf cas particulier comme l’usage familial.

L’application géographique de la CVIM s’effectue sur le principe de la
réciprocité. Ainsi si les deux parties sont issues de pays signataires alors la Convention
s’appliquera. De plus, si par application du droit international privé la loi retenue est
celle d’un Etat signataire, alors ce n’est pas la loi nationale qui s’applique mais la CVIM
en vertu de l’article 1.1b de la Convention. Cette règle permet une application
renforcée de la Convention. Cependant, le texte prévoit également que les parties
puissent exclure l’application de la Convention. Cette exclusion est sujette à débat (I)
et n’a pas une application uniforme. C’est donc la Cour de cassation qui a dû trancher
offrant une solution en demi-teinte peu convaincante (II.).

I. L’exclusion expresse de la Convention

Les parties peuvent décider d’exclure tout ou partie de la CVIM et ce en vertu
des articles 6 et 12. Certains articles peuvent être écartés ou aménagés en fonction
de la situation particulière des parties. A noter toutefois, que si les parties font un usage
contraire à une disposition particulièrement importante pour un Etat alors, la clause du
contrat qui le prévoit peut-être déclarée nul et non-écrite, voir s’il s’agit d’une obligation
essentielle au contrat, entraîner la nullité du contrat dans son ensemble.
Les parties peuvent également décider ensemble d’écarter la CVIM dans son
entièreté. Il est impossible d’invoquer une présomption de non-application de la
Convention de Vienne pour l’écarter. Cela ne peut se faire que par décision expresse
des parties lors de la signature du contrat en renvoyant à la loi nationale d’un pays. En
cela, il s’agit d’une exclusion par opting-out.

Cependant, un problème persiste lorsque la loi nationale choisie par les parties
fait référence à la Convention. En ce cas, il semble que l’application de la loi renvoie à
la CVIM et donc qu’elle s’applique quand bien même les parties l’auraient écartée. En
effet, la Cour de cassation a explicitement reconnu que la CVIM faisait partie du droit
substantiel français et à ce titre s’appliquait de plein droit. Ainsi, il semblerait que l’on
se trouve dans une situation où le serpent se mord la queue. Afin d’éviter ce cercle
vicieux, la Cour de cassation a dû trancher.

II. L’application par la Cour de cassation

Il y a dans un premier temps eu des flottements quant à l’application ou non de
la Convention en cas d’exclusion non expresse par les parties. Les tribunaux Suisses
et Italiens estiment que la référence à un droit national vaut exclusion de la Convention
alors que la simple référence à un droit national vaut application de la CVIM pour les
tribunaux Allemands et Belges.

La Cour de cassation française a quant à elle tranché pour une solution
intermédiaire. En effet, elle déclare que la CVIM constitue le droit substantiel français
tout en précisant que l’exclusion de la Convention peut être tacite s’il est fait référence
à un droit national. Cependant, cette solution n’est valable que si les parties
s’entendent clairement et appliquent strictement, en droit français, le Code civil. En
revanche, si les parties sont ambiguës, il semble que ce soit la Convention qui
s’applique en vertu du système d’opt out. La partie souhaitant voir appliquer le droit
national devra donc démontrer que son application était la commune intention des
parties. Cette preuve peut être difficile à faire.

De ce fait, il semble important dans des contrats de ventes internationales d’être
extrêmement précis dans la rédaction des juridictions compétentes et du droit
applicable. Si les parties souhaitent exclure l’application de la Convention, il est préférable de le mentionner précisément et non de faire une simple mention à un droit
national.

Cependant, l’objectif de la CVIM est de tirer avantage des différents systèmes
juridiques. Ainsi, son utilisation est souvent souhaitable dans les contrats de ventes
internationales avec les pays de Common Law comme le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande ou les Etats-Unis.

Maître Philippe SIMON

A Grenoble, le 23 juin 2021.

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